Une fois n'est pas coutume, je publie ici l'édito du quotidien belge "le Soir", que l'on ne peut soupconner d'être un support du Front de Gauche.
Vous verrez qu'avec les résultats itlaiens, il dit des choses que nous ne cessons de dénoncer depuis bien longtemps et sur lesquelles n'avons de cesse d'alerter l'opinion publique. Mais que, ma foi, d'autres voix s'élèvent maintenant pour dire le desastre des politiques d'austérité successives et la nécessité de changer de cap en Europe, n'est pas pour me déplaire... La seule question est évidemment de se donner des politiques qui en auront le courage et qui feront ce qu'ils promettent...et sur ce marché là, en France, le Front de Gauche est je crois pas mal placé.
L'article est signé Maroun Labaki
L’Italie vient d’en donner une nouvelle preuve : les populistes font dans la facilité, mais pas dans la dentelle. Lorsqu’ils proposent de fausses solutions à de vrais problèmes. Ou lorsqu’ils dénoncent les « pourris » des pouvoirs en place, en vrac, y compris au niveau européen.
C’est sûr : le « non » crié dimanche et lundi par l’Italie n’était pas qu’un « non » à l’Europe. Pour autant, celle-ci serait mal inspirée de s’en laver les mains. Ou pire : de se poser en victime potentielle des turbulences qui pourraient survenir sur les marchés financiers suite au vote italien.
L’Europe doit faire son examen de conscience. Le choix du « tout à l’austérité », inspiré par l’Allemagne, était-il approprié ? Certes, une remise en ordre des finances publiques s’imposait. A quel prix, toutefois ? Le bilan économique des options prises est douteux. Et leur bilan politique désastreux. Qui se sent encore protégé par cette Europe qui, entre autres faiblesses, tremble devant les agences de notation et plie face aux marchés ?
Le constat est lui aussi douloureux : le rêve européen est en train de se fracasser. De ce développement tragique, la responsabilité est partagée. Dans les hautes sphères des institutions européennes, on peut épingler José Manuel Barroso, qui a renoncé depuis longtemps au rôle d’aiguillon dévolu à la Commission. Il faut aussi montrer du doigt la plupart des dirigeants nationaux. Cette Europe froide, fonctionnelle, qui a érigé en dogmes quelques obsessions libérales largement anglo-saxonnes, est née d’eux. Même Mario Monti ne s’est pas élevé, au début du mois, contre le « petit » budget concédé à l’UE pour 2014-2020.
A défaut de pouvoir immédiatement infléchir les politiques économiques dominantes, le Parlement européen semble à présent le seul encore capable de sauver l’« envie d’Europe », voire de lui donner un nouveau souffle. Après tous les errements et petits arrangements de court terme, la tâche sera ardue. Or, il y a urgence. Les élections européennes auront lieu en mai 2014. Si rien de spectaculaire n’est fait, elles pourraient voir les taux d’abstention exploser, et les populistes et europhobes de toutes obédiences signer un triomphe.
Il y va, à l’évidence, de l’avenir du projet européen. Mais surtout de l’avenir tout court. Car dans le monde de géants qui se prépare, les Européens feront bloc ou ne feront rien. Quoi que hurlent les populistes.