J'ai demandé il y a quelque temps à une collègue allemande de faire un petit article sur les questions du nucléaire en débat au Parlement Européen après la catastrophe du Japon.
Comme vous le verrez son point de vue n'est pas tout à fait le mien, mais je crois qu'il reflète sans exagerer le point de vue de "Die Linke" ( la gauche allemande) et de nombre de composantes (y compris très poche du PCF) de notre groupe GUE/NGL au parlement européen.
Ces différences n'empechant d'ailleurs pas de bien travailler ensemble. En gardant, bien sur, ses différences et la richesse qu'elles procurent.
Evidemment vous avez la possibilité de dire ce que vous en pensez, je lui communiquerais vos points de vue...
En tous cas cela fait partie à mes yeux du débat nécessaire à avoir sur le sujet. Un débat que le PCF ne cesse de demander...
La parole à ma collègue donc..
Et merci à elle. La traduction étant de moi, soyez indulgent...
Mon fils avait 8 mois quand Tchernobyl s'est produit. Les fonctionnaires de l'Union soviétique et la RDA assuraient la population qu’il n'y avait pas de danger pour l'Europe. Mais les médias occidentaux mettaient, eux, en garde contre les pluies et la consommation de légumes frais. J’étais, moi jeune socialiste, avec mon bébé dans la rue quand il a commencé à pleuvoir. Je me suis demandé qui croire ? Mais j’ai décidé de courir rentrer à la maison.
La préoccupation contre l'énergie nucléaire n'a pas duré longtemps en Europe occidentale. L'accident s'est produit dans une Union soviétique autoritaire avec sa "technologie dépassée". La majorité de la population en Europe était convaincue que de telles choses ne pourraient jamais arriver dans l'Ouest.
25 ans plus tard Fukushima.
Déjà vu. (En français dans le texte)
L'hebdomadaire allemand Der Spiegel annonce aujourd'hui: "les plans en Allemagne pour l'énergie nucléaire souffrent de déficits graves de sécurité, avec des protections insuffisantes contre les tremblements de terre, accidents d'avion et les cyber-attaques ». La modernisation des usines serait si complexe et coûteuse que leur exploitation continue fait peu de sens financièrement ...
L'argent est en fin de compte la raison pour laquelle de nombreuses améliorations de sécurité des installations ne sont pas mises en œuvre. Si le gouvernement exigeait des propriétaires le respect des mesures nécessaires à prendre pour éviter une catastrophe comme celle du Japon, les coûts seraient tels que nous pourrions aller de l'avant et arrêter toutes les 17 centrales nucléaires du pays ... Car, aucune d'entre elles ne serait plus rentable. Qui aurait pu prédire au début de cette année un tel débat?
Il ne fait aucun doute que la situation dans d'autres pays est similaire.
Il ya quelques années j'ai eu une longue discussion avec un ami français sur l'énergie nucléaire. Nous avons discuté pour savoir si oui ou non il était possible de répondre aux besoins croissants en énergie sans le nucléaire.
Nous, en Allemagne, sommes convaincus qu'il est possible d'établir d'ici 2050 un système d'approvisionnement en énergie à 100% renouvelable.
Certains experts répondent à cette question différemment.
Mais l'expérience montre que dans les pays où l'économie repose sur l'énergie nucléaire peu a été fait pour trouver d'autres solutions.
L'Allemagne est différente.
D'ores et déjà la région où je vis (Mecklembourg-Poméranie-Occidentale) - une zone rurale avec une économie de très petites entreprises industrielles - produit avec ses sources d'énergies alternatives, notamment les éoliennes et les installations solaires, plus d'énergie qu'elle n'a besoin.
Je ne suis pas une anti-technologie. Je crois en la capacité humaine à faire face aux défis techniques. Mais les accidents, les catastrophes naturelles, les erreurs humaines peuvent toujours arriver. Cela fait partie de la vie. Les conséquences de tels accidents nucléaires dans l'une des 143 centrales nucléaires de l'UE densément peuplées seraient désastreuses et me donnent de sérieux doutes sur la recevabilité de l'option nucléaire.
Il y a une autre préoccupation: Un des plus grands problèmes de l'énergie nucléaire est la production de déchets. En fait, les dépenses les plus importantes de l'industrie de l'énergie nucléaire sont le stockage des déchets nucléaires.
Aucune solution viable à long terme pour le stockage des déchets n'a été trouvée. La période de stockage est tellement longue, dans certains cas, des milliers d'années. Nous ne parlons pas d’un fardeau pour la prochaine génération seulement. Avons-nous le droit de décider de l'avenir de l'humanité seulement dans l'intérêt du bien-être de notre génération?
Je suis bien consciente qu'il n'y a pas de solution facile ou immédiate pour la question nucléaire. Je sais que la France tire plus de 75% de son électricité de l'énergie nucléaire et qu’elle est le plus grand exportateur net d'électricité réalisant des gains de plus de 3 milliards d'euros par an. De nombreux emplois dépendent de cette industrie. En Allemagne, la branche des énergies renouvelables a créé 340.000 nouveaux emplois.
Et il n'y a pas de solution nationale. La plus ancienne centrale nucléaire de la France construit en 1977-78 et encore en activité est situé dans Fessenheim, Alsace. Un accident nucléaire n’aurait pas seulement des conséquences sur la France, mais sur l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse aussi.
Il est absolument inacceptable que la décision, ou non, ou encore où et comment construire des centrales nucléaires ne soit pas l’objet d'un débat public et de décisions au niveau européen.
Je sais, comme il est difficile de trouver un consensus, par les débats avec mes collègues français et tchèques dans le groupe GUE / NGL au Parlement européen.
Ce sur quoi nous pouvons sans doute facilement être d'accord, c'est que tant que la production d'énergie est gérée par des sociétés privées les intérêts des profits des différents acteurs seront toujours supérieurs aux besoins de sécurité.
Fukushima est un bon exemple de cette réalité: l'unité 1 de fonctionnement datant de 1971 aurait dû être fermée cette année, mais les régulateurs japonais ont décidé, en Février, de lui donner 10 ans de plus.
Nous pouvons aussi convenir que l'approvisionnement énergétique devrait être une responsabilité de l'Etat, aux normes de haute sécurité sous contrôle public fort. Mais pour être honnête, j'ai quelques doutes sur la possibilité dans le domaine de l'énergie nucléaire de garantir le niveau de sécurité que nous souhaitons avoir pour une technologie aussi sophistiquée.
Mais nous allons nous battre ensemble pour améliorer les normes de sécurité au niveau national, européen et international.
Mais s'il vous plaît, soyons conscients: Les normes existent déjà.
Fukushima a été sous surveillance de l'AIEA. Le Japon s'en tient strictement à ses obligations en vertu de la Convention sur la sûreté nucléaire, adopté en 1994 - lire le rapport soumis à l'examen cinquième réunion en avril 2011. Ces normes peuvent elles vraiment prévenir les accidents nucléaires?
Je pense que nous pourrions également être d'accord pour lutter ensemble pour la fermeture des plus anciennes centrales nucléaires qui ne répondent pas aux normes en vigueur.
Il n'y aurait pas de pénurie d'énergie. L'Allemagne a, en une semaine, fermé sept centrales nucléaires et aucun soucis n'a été constaté.
Nous devons travailler ensemble pour économiser plus d'énergie et les énergies renouvelables - pour sensibiliser le public davantage sur le potentiel de ces options, pour plus d'argent, pour surmonter la résistance contre les projets d'énergie renouvelable.
Je me souviens bien de la résistance des citoyens de mon village quand 18 éoliennes ont été construites à proximité des habitations.
Et il ya une autre question qui me préoccupe en tant qu'experte des affaires étrangères.
Nous devons mettre sur le devant de la scène la question du désarmement nucléaire.
Avec l'administration Obama et les nouveaux développements technologiques dans le domaine militaire (que nous ne devons pas accepter non plus) il y a un intérêt réel des États-Unis à réduire les arsenaux nucléaires. Une partie considérable de la résistance contre les baisses réelles vient des membres de l'UE. Trop de têtes nucléaires sur ou contre notre pays met en danger la vie de nos enfants et petits-enfants.
Au cours des dernières années nous avons oublié cette question. C'est le bon moment pour relancer la campagne.
SCHUTTPELZ Karin
17 Mars 2011.