Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, est l'occasion de se rappeler le chemin parcouru dans les luttes pour accorder aux femmes les mêmes droits que les hommes.
Si de grandes avancées ont été obtenues, notamment en Europe, beaucoup reste encore à faire pour atteindre l'égalité. Les femmes sont toujours sous représentées dans les instances politiques et dans les postes de décisions dans les entreprises. A compétence égale, le salaire d'une femme est toujours de 27% inférieur à celui des hommes. Les femmes sont toujours les plus exposées à la précarité et à la pauvreté.
Tant que les femmes rencontreront des difficultés à concilier vie professionnelle ou politique et vie familiale, tant qu’une femme décédera sous les coups de son mari ou de son conjoint, tant qu’une femme aura à souffrir de discrimination, la lutte pour la conquête de leurs droits sera d’actualité.
Dans le monde, après l'immense espoir suscité par les révolutions dans les pays arabes, l'enjeu est maintenant dans le respect des droits des femmes. Qui peut croire que la démocratie pourra se construire si la moitié de la société est exclue du pouvoir et bafouée?
C'est pourquoi je vous invite à soutenir et à relayer cet "appel des femmes arabes pour la dignité et l'égalité", lancé par 8 femmes de Lybie, d'Egypte, de Syrie, de Tunisie et d'Algérie.
Nous, femmes arabes impliquées dans les luttes pour la démocratie, la dignité et l’égalité,
Nous, actrices au premier plan des changements exceptionnels que connaît le monde arabe,
tenons à rappeler à l’opinion publique que les femmes sont en droit de bénéficier au même titre que les hommes du souffle de liberté et de dignité qui gagne cette région du monde.
Depuis toujours les femmes mènent des luttes pour obtenir des acquis, plus ou moins importants selon les pays. Mais ces acquis demeurent en deçà de leurs aspirations et font de leur statut un des plus reculés dans le monde. .
Les violences demeurent répandues tant dans l’espace public que privé et très peu de mesures sont prises pour mettre fin à ce fléau.
Les codes de la famille ne sont dans la plupart des pays arabes que des textes instituant l’exclusion et la discrimination.
Les autres lois que sont le code de la nationalité, certains codes civils et les lois pénales ne font que renforcer ces discriminations. Ces lois violent les droits les plus élémentaires et les libertés fondamentales des femmes et des fillettes par l’usage de la polygamie, le mariage des mineures, les inégalités en matière de mariage, de divorce, de tutelle sur les enfants ou encore l’accès à la propriété et à l’héritage.
Certaines lois permettent même à la parentèle masculine de tuer des femmes et des filles avec le bénéfice de circonstances atténuantes dans le cadre des crimes d’honneur.
Si la majorité des pays arabes (à l’exception du Soudan, et de la Somalie) a ratifié avec plus ou moins d’empressement la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (CEDAW), adoptée par l’ONU en 1979, ces ratifications sont restées sans impact réel sur le statut et la condition des femmes.
Aujourd’hui que le monde arabe est en phase de construction démocratique pour la consolidation de l’Etat de droit et des droits humains, nous considérons que si l’égalité ne peut se réaliser sans la démocratie, la pleine jouissance de cette démocratie ne peut se réaliser sans une égalité totale entre les hommes et les femmes.
C’est pourquoi nous appelons les Etats, les partis politiques et la société civile dans ces pays à tout faire pour que la dignité des femmes et leur égalité avec les hommes ne soient pas une fois de plus sacrifiées au nom de prétendues priorités.
Aucune démocratie en effet ne peut se construire au détriment de la moitié de la société. Ensemble nous avons fait notre présent, ensemble nous construirons un avenir meilleur.
Nous exigeons :
- la préservation des acquis, l’égalité totale et effective et l’inscription des droits des femmes dans les constitutions
- les mesures législatives et administratives afin d’éradiquer les violences faites aux femmes.
- la ratification et le respect de la CEDAW sans réserve dans son esprit et dans toutes ses implications concrètes.
- l’adoption de lois qui protègent les femmes des inégalités sociales et économiques, des discriminations, en particulier familiale.
- les mesures d’action positive afin d’assurer l’accès des femmes aux postes de décision et à leur pleine participation à la vie politique et associative.
- la dénonciation des voix qui s’élèvent ici et là pour discriminer les femmes au nom d’une lecture rétrograde des préceptes religieux ainsi que celles qui voudraient leur interdire une participation pleine et entière à une vie digne et respectueuse des droits humains.
Cet appel a été rédigé par
Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH, tunisienne
Bochra Belhadj Hmida, avocate, cofondatrice et ex-présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates, tunisienne
Shahinaz Abdel Salam, bloggeuse et activiste, égyptienne
Nawal El Saadawi, médecin psychiatre, écrivain et féministe historique, égyptienne
Souhayr Belhassen, Bochra Belhaj Hmida, Shahinaz Abdel Salam, Nawal Al Saadawi.
Tahani Rached, réalisatrice, égyptienne
Wassila Tamzali, féministe et essayiste algérienne
Samar Yazbek, romancière, syrienne
Azza Kamel Maghur, avocate internationale et membre du Conseil Libyen des Droits de l’Homme, libyenne
Les premiers signataires de l’appel
Sylviane Agacinski, Keren Ann, Elisabeth Badinter, Josiane Balasko, Juliette Binoche, Dominique Blanc, Louis Chedid, Catherine Deneuve, Umberto Eco, Marianne Faithfull, René Frydman, Juliette Gréco, Claudie Haigneré, Françoise Héritier, Isabelle Huppert, Axel Kahn, La Grande Sophie, Taslima Nasreen, Olivia Ruiz, Rayhana, Annette Wieviorka."